Le travail hybride en 2023 : la parole à un expert

Au printemps 2022, nous nous entretenions avec Frank Vander Sijpe, Director HR Trends & Insights chez Securex, du meilleur moyen pour les entreprises d’instaurer le travail hybride. Un an et demi plus tard, nous revenons vers lui pour qu’il nous éclaire sur les évolutions de la période écoulée.

Plus qu’une tendance

La pandémie a engendré l’essor du travail hybride dans beaucoup d’entreprises et d’organisations. "C’est exact. En examinant les chiffres sur le travail hybride de Statbel, l’Office belge de statistique, nous constatons que 17 % des entreprises belges avaient déjà déployé le télétravail avant la crise. Elles sont 34 % aujourd’hui. Nous pouvons donc affirmer que le travail à domicile et le télétravail ne sont pas une simple mode. Nous nous attendons d’ailleurs à ce que ce chiffre augmente encore dans les années à venir en raison de la demande d’un meilleur équilibre travail-vie privée, des technologies plus performantes et de la mondialisation du marché du travail”, confirme Frank Vander Sijpe.

La culture d’entreprise au cœur des préoccupations

Bien que les entreprises aient largement adopté le travail hybride, nous avons connu un retour en arrière l’année passée lorsqu’elles ont demandé à leurs collaborateurs de revenir au bureau. “C’est surtout le cas de celles qui n’ont pas ancré le travail hybride dans leur culture d’entreprise”, déclare Frank Vander Sijpe. “Rien d’anormal, car le travail hybride est sans aucun doute la plus grande expérience sociale des derniers temps. Il est logique que les entreprises recherchent un nouvel équilibre.”

“L’année écoulée a été un processus d’apprentissage qui nous a permis de tirer deux enseignements majeurs”, ajoute Frank Vander Sijpe. “D’une part, il est clairement apparu qu’une solution unique ne fonctionne pas. Imposer à tous les collaborateurs d’être présents au bureau un jour par semaine sans raison valable n’a aucun sens. Par ailleurs, le travail hybride ne convient pas à tout le monde, car il s’agit essentiellement d’une question de ‘confiance’ mutuelle, ce qui peut engendrer des tensions et des conversations difficiles au sein des entreprises.”

“D’autre part, les entreprises doivent trouver un équilibre entre le bien-être des collaborateurs et la réalité économique. A l’heure où le burn-out frappe de nombreuses personnes, il ne faut pas sous-estimer l’importance du bien-être, mais il est capital que les collaborateurs soient performants et en mesure de présenter des résultats, car les coûts salariaux sont élevés. Une question se pose : comment mesurer la rentabilité dans une économie de la connaissance ? C’est un processus dans lequel nous avons encore du chemin à parcourir.”

Du bureau paysager au bureau à domicile

Si le travail hybride impacte la culture d’entreprise, il bouleverse aussi l’infrastructure. Les bureaux étant moins souvent occupés, les espaces sont réaménagés. “Les entreprises se détachent peu à peu du bureau paysager", explique Frank Vander Sijpe. “Les gens ont besoin de se retrouver au bureau. Les réunions physiques sont nécessaires pour les séances de travail créatif, les brainstormings ou les entretiens individuels impliquant une communication non verbale. Il convient d’aménager à cet effet des espaces tels que des salles de réunion et des locaux réservés aux entretiens individuels. Mais aussi de prévoir suffisamment de bureaux pour les collaborateurs qui choisissent délibérément de travailler sur site tous les jours parce qu’ils préfèrent ne pas le faire de chez eux pour diverses raisons.”

Il est également essentiel de disposer d’un bureau à domicile bien équipé. On le voit sur le marché immobilier: les maisons dotées d’un bureau sont convoitées. Certains employeurs accordent déjà à leurs collaborateurs qui travaillent à domicile une indemnisation de télétravail pour compenser, entre autres, les frais de chauffage plus élevés. “Nous nous attendons à ce que les candidats à l’emploi négocient l’aménagement d’un bureau chez eux”, ajoute Frank Vander Sijpe.

Le bien-être, un facteur décisif

Si les entreprises se montrent encore parfois un peu sceptiques à l’égard du travail hybride, les collaborateurs sont convaincus de son intérêt : la grande majorité d’entre eux demandent à pouvoir télétravailler lorsque leur job le permet. “Le marché du travail actuel est fortement axé sur les candidats et la possibilité de travailler à domicile est un facteur décisif pour eux”, explique Frank Vander Sijpe. “Les organisations qui interdisent le télétravail alors qu’elles pourraient le mettre en œuvre auront plus de mal à trouver du personnel et verront leurs collaborateurs partir plus rapidement.”

Le bien-être ne se limite pas à la possibilité de travailler de chez soi. “La manière dont le télétravail est déployé est également cruciale”, confirme Frank Vander Sijpe. “Les entreprises qui optent pour le travail hybride doivent nouer des liens de confiance avec les télétravailleurs. Ce lien et l’impression de rester impliqué sont essentiels à la qualité de la motivation.”

Les tendances de demain

Le travail hybride a changé le mode de travail des entreprises et il en sera de même dans les années à venir. “J’envisage deux évolutions majeures pour l’avenir”, ajoute Frank Vander Sijpe. “D’une part, le travail hybride entraînera une plus grande mondialisation du marché du travail. Les entreprises qui ne trouvent plus certains profils dans leur pays commenceront à chercher au-delà des frontières. Les collaborateurs réaliseront également que le travail n’est plus lié à un lieu spécifique, ce qui augmentera assurément la demande de ‘workation’ dans le futur. Le télétravail peut par exemple aussi offrir une solution aux personnes qui éprouvent des difficultés à sortir de chez elles pour travailler. De quoi pallier en partie la pénurie de candidats, mais aussi de réactiver certains profils, comme les personnes en marge du marché du travail."